Projet pédagogique au Musée de la Romanité : quand le culturel se met au service de l’enseignement. 

Classe de lycéens lors du tournage du projet avec le Musée

Cette année, le Musée de la Romanité et le lycée Philippe Lamour se sont associés dans le but de déconstruire les croyances et les idées reçues des femmes dans l’antiquité romaine en découvrant une démarche scientifique historique.

Reflexion et sensibilisation des élèves à la méthodologie historique.

Réfléchir, déconstruire, reconstruire … Le projet, nommé « Esprit Critique » implique deux classes du lycée Philippe Lamour; des secondes et des premières qui ont pour cas pratique, l’impératrice Julia Domna.

1ère étape : Séance de réflexion avec les professeurs dans la classe

Dans un premier temps, l’objectif était de commencer à sensibiliser les élèves à la méthodologie historique. De leur apprendre comment mener rigoureusement des recherches historiques dans le but d’étudier et de comprendre l’Histoire. Pour cela, différents documents/sources à disposition des historiens leurs ont été présentés :
-Les sources muettes (pas d’écrit, objets archéologiques)
-Les sources écrites, littéraires : textes des auteurs anciens, textes de lois, religieux…
• Épigraphiques : les inscriptions sur les matériaux non périssables (pierre, argile ou métal…)
• Les sources iconographiques : image, statuaires, dessins, gravures
• Numismatiques : les pièces de monnaie

Dans un second temps, ils ont appris comment différencier les sources primaires qui datent de l’époque étudiée, et les sources secondaires, écrites par quelqu’un qui n’était pas là au moment des faits ou bien qui va analyser les sources primaires, plus tardivement. Cela leur a permis de comprendre l’importance de recontextualiser chaque source ainsi que la nécessité de croiser les sources pour confirmer ou infirmer les hypothèses et se poser les bonnes questions.

2ème étape : Intervention en classe de Marion, médiatrice du Musée de la Romanité.

Guidée par Marion, médiatrice du musée, les élèves ont réfléchis sur leurs a priori et des idées reçues sur le sujet.
Pourquoi ces préjugés ? Quelles places pour les femmes romaines dans le domaine privé ? Public ? Politique ? Economique ? Religieux ?
Une fois l’échange terminé, ils ont pu faire l’état des lieux de tout ce qui existait pour parler des femmes à cette époque.
L’objectif ici était, une nouvelle fois, de les sensibiliser aux sources (travail déjà initiée par les professeurs dans l’étape 1) :
Quelles sont les sources dont on dispose pour parler des femmes romaines ? De quelles traces du passé dispose-t-on ? Suite à ces premières étapes de réflexion, de nombreuses questions ont été posées aux élèves afin de déconstruire leurs croyances et leurs préjugés : Ont-ils pu affiner leurs pensées ? Déconstruire leurs croyances ? Ont-ils trouvé des sources qui allaient à l’encontre des préjugés ? Si oui, lesquelles ? Et finalement quelle est leur conclusion ? Quels résultats tirer de cette étude ? Quelle est leur nouvelle vision des femmes de l’antiquité romaine et de Julia Domna ?

Titre de la restitution du travail des lycéens en vidéo

Restitution des résultats en vidéo par les élèves

Les élèves ont pu avoir accès à trois personnes ressources afin de rendre leur restitution historique la plus juste possible. On retrouve :

Marion, médiatrice du musée de la Romanité lors de la visite guidée au musée « Antiquité au féminin ». L’objectif de cette visite était d’observer si ses propos confirmaient les résultats de leur étude. L’impératrice Julia Domna, leur cas pratique, a fait l’objet d’un important focus au travers de sa représentation dans les collections. Marion a également fait le parallèle avec Livia, 1ère impératrice afin de leur montrer que ces deux femmes étaient puissantes mais dans un contexte historique différent.

Novella Lapini, spécialiste du sujet, chargée d’étude à la Galerie des Offices de Florence et commissaire d’exposition sur notre exposition 2021 « Portraits & secrets de femmes romaines ». Impératrices, « matrones » et affranchies » leur a proposé un change en visio pour que les élèves puissent présenter l’aboutissement des recherches menées.

Paolo Santoni, réalisateur de films documentaires (société OPERA FILM) a
                                                                                                                                                                        également échanger avec eux en Visio afin de partager son expertise sur
                                                                                                                                                                        la création d’un propos historique juste en vidéo.

Femme habillée en impératrice représentant Julia Domna

Le rôle du Musée de la Romanité

Au travers de ses collections et de ses collaborateurs, le musée se place comme un intervenant de choix dans la réflexion liée à des éléments historiques. L’objectif final de cette démarche pour les élèves était de comprendre à quel point l’histoire ancienne est difficile pour parler des femmes. Il y’a de nombreuses contradictions avec des enjeux différents et surtout, aucune preuve historique n’est pleinement objective, elle est toujours le produit d’individus, d’époques précises et d’idées multiples.

Les collections au service de cas pratiques : Julia Domna

Parmi les femmes de pouvoir à Rome, il y en a une qui a particulièrement marqué l’histoire. Julia Domna, épouse de Septime Sévère, issue de la noblesse syrienne, devient impératrice en 193.
Epouse et mère de deux empereurs, Geta et Caracalla, elle remplit de ce fait son rôle de matrone : l’idéal féminin aux yeux des Romains.
A cette époque, les domaines de la politique et de l’armée sont interdits aux femmes. Pourtant, Julia Domna joue le rôle de conseillère auprès de son époux et l’accompagne lors de ses déplacements militaires. Ses origines orientales, très éloignées des familles traditionnelles aristocratiques romaines et sa participation à la vie politique seront à l’origine de nombreuses critiques.
Malgré ça, elle obtient une multitude de titres honorifiques : Mère des camps, Mère des Dieux, Mère du genre humain… Elle est une des impératrices les plus glorifiées de l’histoire romaine !

La parole à Marion, médiatrice au Musée de la Romanité

« Je travaille au musée de la Romanité depuis l’ouverture en 2018, en tant que médiatrice culturelle et guide-conférencière.
Mes collègues et moi concevons des médiations pour un public divers et varié. L’accueil des scolaires pour des visites guidées thématiques et des ateliers pédagogiques est une part importante de notre métier. Le projet « Esprit critique » est né d’un constat : beaucoup d’idées reçues, de préjugés sont tenaces !
D’ailleurs, on s’amuse à en déconstruire certaines au cours des visites guidées. J’avais à coeur de monter un projet avec et pour des lycéens, un public qui est loin d’être acquis dans les musées en général. Réaliser ce projet dans un cadre scolaire était une option intéressante pour « attirer leur attention ». J’espère que les élèves ont pu s’amuser tout en prenant conscience de la complexité de la recherche historique. Tenter d’être le plus juste possible dans les propos, savoir faire le tri, des connexions, des croisements entre les sources historiques est primordial.
Cette démarche est facilement transposable à notre quotidien et peut aider à se forger une opinion. J’ai beaucoup aimé intervenir en dehors du musée, dans les classes, dans un environnement différent. Cela m’a fait d’autant plus plaisir car je suis une ancienne élève de Philippe Lamour ! Et si j’ai donné envie à ne serait-ce qu’un seul élève de revenir au musée…mission réussie ! »

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