Tout savoir sur Achille et la guerre de Troie
Le choix d’une exposition sur Achille et la guerre de Troie au Musée de la Romanité a de quoi surprendre. En effet, pourquoi faire une exposition sur un héros de la Grèce antique alors que le musée a pour thème l’archéologie locale, de l’époque gauloise au Moyen Age ? Vous allez découvrir au sein de l’article l’histoire d’Achille et sa participation à la guerre de Troie. Vous comprendrez alors pourquoi nous avons souhaité lui consacrer une exposition.
La jeunesse d’Achille
Achille, héros légendaire de la mythologie grecque, est né de l’union entre la déesse marine Thétis et le roi mortel Pélée, souverain des Myrmidons. Dès sa naissance, Achille porte en lui la contradiction d’une double ascendance divine et mortelle, qui se révélera à la fois source de grandeur et de tragédie. Thétis, souhaitant préserver son fils de la mortalité humaine, tente de lui conférer l’immortalité à travers divers procédés. Selon certaines traditions, elle soumet ses enfants à des épreuves extrêmes pour éliminer leur part humaine, qui ne vont épargner qu’Achille, seul survivant parmi ses frères. Dans l’une des versions les plus populaires, Thétis plonge Achille dans les eaux mystiques du Styx, fleuve des Enfers, qui rend invulnérable quiconque s’y baigne. Cependant, en le tenant par le talon, elle laisse cette petite partie de son corps vulnérable, donnant naissance à la célèbre expression « talon d’Achille ». Une autre version du mythe raconte que Thétis expose Achille au feu, ne laissant qu’une blessure à son pied droit. Cette blessure est soignée par le centaure Chiron, qui remplace l’os endommagé par celui du géant Damysos, célèbre pour sa rapidité. Ce geste expliquerait la légendaire vélocité d’Achille sur le champ de bataille.
Achille, bien plus qu’un simple guerrier, est l’incarnation du héros grec idéal, un modèle de perfection façonné par une éducation exceptionnelle. Après le départ de sa mère Thétis, il est confié au centaure Chiron, dont la réputation de sagesse et de justice le précède. Chiron, qui habite une grotte sur le mont Pélion, devient non seulement le tuteur d’Achille, mais aussi son mentor dans un processus d’éducation qui va bien au-delà de la simple formation physique. Sous la tutelle de Chiron, Achille reçoit une éducation complète, en parfaite adéquation avec le concept grec de la paideia. Ce système éducatif, cher aux Grecs, vise à former des citoyens vertueux, équilibrant compétences physiques, intellectuelles et morales. Chiron, en tant que maître, transmet à Achille les arts de la chasse et de la guerre, mais aussi la médecine, la musique, et la poésie, des disciplines qui lui sont enseignées avec une attention particulière pour l’acquisition de valeurs morales. Le centaure, lui-même initié par Artémis et Apollon, veille à ce qu’Achille développe non seulement une force physique impressionnante – nourri dès son jeune âge de viande de lion et de sanglier – mais aussi une finesse d’esprit. Achille excelle ainsi dans l’art de la lyre et du chant, qui lui permettent de calmer ses émotions tumultueuses et celles de ses compagnons. Cette éducation, qui mêle sciences, arts et vertu, forge Achille en un être complet, insensible à la peur et avide de gloire, tout en restant capable d’hospitalité et de loyauté, même envers ses ennemis. Cet équilibre rare entre puissance et sagesse, cultivé par Chiron, fait d’Achille non seulement un redoutable guerrier, mais aussi un modèle de civilisation, un héros dont l’influence s’étendra bien au-delà de son époque, inspirant les générations futures, y compris les jeunes Romains.
L’épisode de la retraite d’Achille sur l’île de Skyros ajoute une dimension fascinante et ambiguë à la figure du héros grec. Sachant que son fils serait condamné à une mort certaine s’il participait à la guerre de Troie, Thétis, désireuse de le protéger, décide de l’envoyer se cacher sur l’île de Skyros, à la cour du roi Lycomède. Pour assurer sa survie, Achille est dissimulé en femme et vit parmi les filles du roi sous le nom de Pyrrha (la Rousse), en référence à la couleur de ses cheveux. Cet épisode surprenant, où le plus grand des héros grecs se retrouve à apprendre les tâches domestiques et à vivre dans le gynécée (partie de la maison réservée aux femmes), contraste fortement avec l’image virile et guerrière que l’on associe à Achille.
Cependant, cet accoutrement n’est pas simplement un stratagème pour échapper à son destin. Cet épisode pourrait symboliser le passage d’Achille d’un monde féminin et protégé à la réalité brutale du champ de bataille. Cette période de dissimulation prend fin lorsque les Grecs, informés par le devin Calchas que seule la présence d’Achille leur assurera la victoire, envoient Ulysse et Diomède pour le retrouver. Ulysse, fidèle à sa réputation de rusé stratège, dévoile la véritable identité d’Achille en présentant aux filles de Lycomède une corbeille remplie de bijoux et d’armes. Lorsque la trompette de guerre retentit, Achille, incapable de réprimer son instinct guerrier, se précipite sur les armes, révélant ainsi sa nature profonde et son identité. Cette ruse marque la fin de son enfance et le début de son inexorable chemin vers Troie, où l’attend la gloire, mais aussi son destin tragique.
Les origines de la guerre de Troie
Les origines de la guerre de Troie, ce conflit épique immortalisé par Homère, sont profondément enracinées dans les machinations divines et les passions humaines. Selon les Chants cypriens, un texte ancien attribué à Stasinos de Chypre, le principal instigateur de cette guerre n’est autre que Zeus lui-même. Le roi des dieux, souvent dépeint comme un manipulateur calculateur, se serait laissé convaincre d’orchestrer ce conflit pour répondre aux plaintes de sa grand-mère Gaïa, la déesse Terre, accablée par la surpopulation humaine. Pour alléger ce fardeau, Zeus décide de provoquer une guerre qui décimera les hommes.
L’un des éléments déclencheurs est le mariage de Thétis, une nymphe promise à un destin divin, avec Pélée, un simple mortel. Ce mariage, célébré en grande pompe sur le mont Pélion, voit la participation des dieux de l’Olympe, mais la déesse de la discorde, Éris, n’est pas invitée. Furieuse, elle jette parmi les convives une pomme d’or portant l’inscription « À la plus belle ». Ce geste déclenche une querelle entre Héra, Athéna et Aphrodite, qui revendiquent toutes le titre. Pour éviter de trancher lui-même, Zeus confie la tâche à Pâris, l’un des fils du roi Priam de Troie, qui, séduit par la promesse d’Aphrodite de lui offrir l’amour de la plus belle femme du monde, Hélène de Sparte, lui attribue la pomme. Cet acte conduit directement à l’enlèvement d’Hélène par Pâris, déclenchant la colère de Ménélas, époux d’Hélène et roi de Sparte et la guerre entre les Grecs et les Troyens.
Sur le plan historique, la réalité de cette guerre a longtemps fait débat. Les poèmes homériques de l’Iliade, composés probablement au VIIIe siècle av. J.-C., ont été soumis à des analyses critiques dès l’Antiquité par des historiens comme Hérodote et Thucydide. Les fouilles archéologiques menées à Hissarlik, en Anatolie, par Heinrich Schliemann au XIXe siècle, ont permis de localiser l’ancienne ville de Troie, bien que l’identification précise de la Troie homérique reste incertaine. La découverte de tablettes hittites mentionnant la cité de Wilusa, identifiée à Troie, ainsi que les recherches archéologiques récentes, apportent un éclairage nouveau sur les événements qui pourraient avoir inspiré les récits épiques, rapprochant la légende d’une réalité historique encore débattue.
Achille et la guerre de Troie
Achille, l’un des héros les plus emblématiques de la guerre de Troie, se distingue autant par son courage que par son tempérament impétueux. D’ailleurs, l’Iliade s’ouvre avec la colère d’Achille, causée par une dispute avec Agamemnon, le chef suprême des Grecs, à propos de la captive Briséis. Offensé par la confiscation de ce trophée de guerre, Achille, furieux, décide de se retirer du combat, privant ainsi les Grecs de leur plus grand guerrier. Ce retrait provoque une série de défaites pour l’armée grecque, incapable de percer les défenses de Troie sans lui.
Le tournant se produit avec la mort de Patrocle, son ami proche et compagnon d’armes. Patrocle, pour tenter de remobiliser les Grecs, revêt l’armure d’Achille et mène les Myrmidons au combat, mais il est tué par Hector, le prince troyen. Fou de chagrin et de colère, Achille retourne alors sur le champ de bataille pour venger la mort de Patrocle. Il affronte Hector dans un duel épique, le tue, puis, dans un geste de vengeance ultime, traîne son corps autour de la ville de Troie.
Malgré sa rage, Achille finit par céder à la supplication du vieux roi de Troie Priam, père d’Hector, et accepte de rendre le corps de son ennemi pour des funérailles dignes. Achille, bien que quasi invincible, est finalement tué par une flèche tirée par Pâris et guidée par Apollon, atteignant son seul point vulnérable : son talon droit. La guerre continue sans lui, mais son nom reste à jamais associé à l’héroïsme et à la tragédie de la guerre de Troie.
Pourquoi une exposition Achille au Musée de la Romanité ?
L’exposition « Achille et la guerre de Troie » au Musée de la Romanité se distingue par son ambition de s’adresser à un public large, de 7 à 77 ans, en alliant le savoir archéologique à l’imaginaire mythologique. Plutôt que de se concentrer uniquement sur des problématiques historiques ou des résultats de fouilles , cette exposition invite le visiteur à une expérience immersive autour de la figure d’Achille, l’un des héros les plus célèbres de la mythologie grecque. Ce choix se justifie également par le désir de faire écho aux collections du musée, notamment à travers la présentation d’une mosaïque exceptionnelle du IIe siècle après J.-C., découverte à Nîmes, en 2006-2007, et représentant Achille à Skyros.
Le parcours de l’exposition, conçu pour être à la fois chronologique et narratif, plonge le visiteur dans l’univers d’Achille dès son introduction. On y découvre d’abord la naissance du héros et son éducation auprès du centaure Chiron, puis son rôle crucial dans la guerre de Troie. L’exposition se conclut par une réflexion sur la pérennité de la figure d’Achille à travers les siècles, illustrée par des extraits humoristiques de la série « 50 Nuances de Grecs ».
Parmi les œuvres phares, on retrouve la mosaïque d’Achille à Skyros, au centre de l’exposition, accompagnée d’un sarcophage romain en marbre prêté par le musée du Louvre, qui représente le même épisode. D’autres prêts prestigieux, comme un tissu copte du musée de Picardie et une coupe du XIIe siècle de la Bibliothèque nationale de France, enrichissent le parcours. Une collection variée de vases, sculptures, et objets d’art complète cette exploration, offrant un panorama des différents épisodes du mythe d’Achille. La scénographie immersive, avec une passerelle surplombant la mosaïque et une proue de bateau évoquant l’arrivée des Grecs à Troie, contribue à plonger les visiteurs dans cette aventure épique.
L’exposition “Achille et la guerre de Troie” est visible jusqu’au 5 janvier 2025 au Musée de la Romanité. De nombreux événements sont programmés pour approfondir cet épisode mythologique. Retrouvez le programme en cliquant ici.